Cet article fait suite à la publication « Un ‘vide’ dans l’histoire », dans lequel nous avions passé en revue l’évolution historique de l’infrastructure économique dans laquelle nous vivons collectivement, et identifié une lacune au début du 21e siècle, qui permet de faire place à un nouveau type de capitalisme, ce que nous appelons le ‘capitalisme social’. C’est là que nous pensons que l’entrepreneuriat social trouve parfaitement sa place. Par conséquent, après avoir observé l’évolution de la structure économique dont nous faisons partie, nous proposons maintenant d’observer l’évolution de l’activité entrepreneuriale de l’humanité. Nous avons identifié trois grandes phases sociohistoriques de l’entrepreneuriat à travers le temps.
L’évolution historique de l’entrepreneuriat | L’entrepreneuriat classique
La première phase essentielle de l’entrepreneuriat est ce que nous appelons la phase classique. Cette activité économique est née des besoins fondamentaux de survie de l’humanité. L’objectif était de répondre à des besoins fondamentaux tels que dormir, se vêtir, et manger. Au fur et à mesure que les êtres humains se sont interconnectés au sein de groupes plus sophistiqués, appelés communautés, et des premières sociétés, cette activité entrepreneuriale fondamentale s’est étendue à d’autres domaines, tels que la santé, le logement, l’éducation, etc.
Les humains ont prospéré en développant toutes sortes d’entreprises pour augmenter leur propre niveau de bien-être, tout en augmentant le niveau de bien-être de leur communauté. Cette phase, qui s’étend du début de l’humanité jusqu’à la période de la renaissance, était principalement préoccupée par la survie de l’individu et de la communauté.
L’approche, dans un grand nombre de cas, consistait à identifier les domaines où il existait un besoin ou un désir fondamental et primaire non satisfait au sein de la communauté, et à développer un projet économique autour de ce besoin.
Une fois le besoin identifié, une solution économique était créée et une entreprise commerciale naissait autour de la solution imaginée par l’esprit humain adaptatif et très créatif. Tel était le processus entrepreneurial classique.
L’évolution historique de l’entrepreneuriat | L’entrepreneuriat mondial
La deuxième grande phase entrepreneuriale de l’humanité a été initiée au cours de quelques siècles, ceux de la Renaissance. Ces siècles ont permis de créer un pont entre ce que l’on appelle historiquement le Moyen-Âge et les temps modernes. Un bon point de départ pour comprendre ce type d’activité entrepreneuriale se situe au tout début de la renaissance italienne, au tournant du 14e siècle, avec les voyages et les entreprises de Marco Polo.
C’est sans doute à ce moment de l’histoire que, pour la première fois, des produits provenant d’un bout du monde, tel que les épices et la soie, ont atteint les consommateurs de l’autre bout du monde, ceux de l’Italie et du reste de l’Europe. La Renaissance italienne a également apporté deux autres éléments clés qui ont propulsé l’humanité dans cette phase d’entrepreneuriat mondial.
Le premier est la découverte scientifique qui a permis de comprendre que la terre est ronde, ce qui, à terme, n’offrira aucune limite ni frontière aux aventuriers et aux entrepreneurs de tous horizons. Le deuxième élément est la naissance et la croissance des marchés financiers et des institutions bancaires à Venise, à Florence et, peu après, dans toute l’Europe. Ces banques et marchés financiers sont directement responsables de la subvention et du financement des principales puissances européennes, tels que la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, le Portugal et les Pays-Bas, dans leur conquête du monde par les mers.
C’est entre le 17e et le 19e siècle que le commerce, pratiquement quotidien, est devenu véritablement mondial. Dès lors, le processus entrepreneurial ne repose plus sur l’identification d’un besoin et la recherche d’une solution pour y répondre, mais sur la recherche d’opportunités économiques à travers le monde pour satisfaire les “désirs” croissants de l’humanité. Enfin, le point culminant de cette phase entrepreneuriale s’est produit tout au long du 20e siècle, en particulier dans les années 1980 et 1990, lorsque le terme de “mondialisation” était sur toutes les lèvres.
La mondialisation est un concept économique qui encourage la suppression des frontières économiques, des frais de transaction de toutes sortes, des réglementations économiques et juridiques, etc. Tout cela dans le but d’optimiser et de maximiser l’activité commerciale mondiale. C’est ainsi que nous avons conclu le dernier millénaire et que nous en avons entamé un nouveau. Mais la lune de miel économique de l’humanité exploitant les ressources de la terre, bénéficiant et augmentant de surcroit notre qualité de vie à tant de niveaux, est malheureusement expirée, et notre époque est celle d’une nouvelle réalité mondiale.
L’évolution historique de l’entrepreneuriat | L’entrepreneuriat social
Comme vous pouvez le comprendre à ce stade, il existe une évolution de l’activité entrepreneuriale humaine qui semble revenir à ses racines initiales, comme si le cycle revenait en quelque sorte à son point de départ. En effet, l’entrepreneuriat classique consistait à trouver des réponses aux besoins locaux, puis des opportunités locales pour satisfaire les « désirs » locaux. Ensuite, l’entrepreneuriat mondial a consisté à identifier des opportunités mondiales afin de satisfaire et de tirer profit des besoins et des « désirs » mondiaux croissants. Mais aujourd’hui, un nouveau type d’activité entrepreneuriale est apparu récemment, et son processus est assez similaire à celui de l’entrepreneuriat classique, dans le sens où il doit se concentrer sur les besoins, plutôt que sur les « désirs », de notre population mondiale.
Ce type d’effort entrepreneurial du 21e siècle se concentre sur la recherche et la création de solutions globales pour résoudre les problèmes clés auxquels nous sommes confrontés en tant qu’espèce. Cette phase s’appelle l’entrepreneuriat social. Elle se concentre sur la résolution des besoins mondiaux qui sont la conséquence de ce que nous appelons les sept défis mondiaux de notre siècle, et même de ce millénaire.
Ces défis mondiaux sont les droits de la personne, la sécurité mondiale, la pauvreté, la population et les phénomènes migratoires, l’éducation, la santé et l’environnement (développement durable). Ces défis feront l’objet d’un prochain article, qui aura pour but d’explorer et d’expliquer chacun de ces défis mondiaux.
Pour l’heure, assurons-nous simplement de comprendre que ces défis mettent directement en péril notre survie en tant qu’espèce, mais aussi, sur un plan moins philosophique et plus pragmatique, la survie de tant de collègues humains, au quotidien, partout dans le monde.
Les entrepreneurs sociaux sont au cœur de la solution, car nous devons collectivement en faire de plus en plus, et créer des solutions commerciales innovantes pour répondre aux besoins mondiaux de notre espèce. Nous sommes une seule équipe et nous n’avons qu’un seul terrain de jeu, la Terre.
Soyons attentifs à la manière dont nous traitons nos coéquipiers et coéquipières, à la manière dont nous respectons notre terrain, et ensemble, en tant qu’entrepreneurs sociaux, nous pourrons tenter de relever nos défis mondiaux.